Tête de cortège (1)
Les AMIS D'AL.
(ou zoopsie pour une révision scrabblesque)
Sous un épais nuage laiteux qui s'effiloche sur des milles par-delà la canopée, une interminable méhalla serpente à travers la sylve séculaire, à la flore luxuriante, exubérante et toujours verte. A sa tête, "Alcade". Seul, il mène ses ferventes ouailles à la "clairière sacrée" où il doit présider la grande kermesse.
S’appuyant sur un alpenstock noueux, cet ancien alguazil biscaïen (biscayen) encore ingambe dont l’œil malicieux pétille derrière des bésicles en fer blanc, semble venir du fond des âges. Souffrant d'une sorte de lucite, il a le visage vergeté et buriné des vieux broussards, et une canitie bien avancée perce à travers la paille d'un galurin (galure) fatigué. Il porte un maxi boubou alluré en nanzouk (nansouk) fauve, sous une sorte de chlamyde vaporeuse en fancy attachée sur l'épaule par une fibule mordorée. Avec son bandana de jaconas à reflets moirés, sa guerba en longotte sable, et malgré une sorte d'alfange ou katana en bandoulière ajoutant un côté baroudeur au personnage, il n'a rien du mariachi ; on dirait un patriarche respectable, les pieds nus dans ses spartiates tel un frocard ou un carme déchaux.
Après des jours de marche en ces lieux agrestes et cahoteux, harcelé sans relâche par le khamsin (chamsin), les culex, les maringouins, les chironomes, les tipules et autres diptères piqueurs genre simulie, il parvient au bout de son périple en atteignant enfin son lieu de rendez-vous, courbat(t)u(ré) et fourbu, las de traîner la savane. Il rejoint sous l’ aucuba son estafette "Baboune", un gentil alouate béninois aphone et recru de fatigue. Il le charge cependant et sans délai de regrouper cette populace faunique grouillante et pour le moins bigarrée, pendant qu’il dresse son bivouac. Beaucoup d'entre eux sont déjà là et attendent depuis plusieurs jours. Ici pas de check ou autres salamalecs, en arrivant il faut surtout retrouver sa famille dans le bon arbre...
Sous une lumière blafarde, notre sagace héraut sans voix et toujours équanime, à défaut de portevoix, s'improvise corniste et fait carrément sonner l'hallali pour rassembler les troupes et secouer les traînards.
Au signal de ralliement, certes moins pénible que le vuvuzela ou le tabala mais tout autant lançinant, c'est le branlebas général, les amis d'Al se pressent sur le tapis de saxifrages et autres plantes acaules qui recouvrent l'esplanade :
Les ânes Aglyphe et Alpha bey, deux "grenadiers voltigeurs" nubiens bâtés et cossards (et non pas bâtards d'écossais) mènent le cortège. Enjugués tels des bœufs, nos leade(u)rs bonasses progressent cahincaha, ahanant et chignant, méchamment saboulés sous les coups de boutoir de Joseph, notre pétulant bouc ânier de service, sourd aux hihans et autres giries de ces lambins. Toujours frais et dispo, un nagaïka (nahaïka) à la ceinture, pas vraiment le genre à pateliner ce Jojo hâbleur !
Derrière nos solipèdes ronchons, Bellot - un onagre turkmène - soutient Rosalie sa compagne, plutôt bellotte mais touchée par le farcin ; un hémione kazakh jobard et un peu capon ("voire caponne puisque c’est une fille", chante Al.).
Sur les talons des équidés, toussotant et larmoyante, voici Aurélie, un alpaga cathare ; un parangon de vertu. Minée par un catarrhe tenace, la tristoune traîne sa carcasse à longue fourrure laineuse, et son spleen, haletante, dodinant (dodeliner) de la tête, longanime. Elle s'est déchiré le cuir dans les cardères ou les chardons à feuilles d'acanthe qu'on appelle aussi onopordons. C'est la lose ! Quelle scoumoune ! A défaut de tisaneur sous la main, il lui faudrait un p'tit coup de rogomme entre deux snif(f)s pour soigner sa grippette... En attendant, pour lui éviter de s'empierger, elle est doucinée par Serge le lama, un tartarin dragueur mantouan toujours à la recherche de quelque gigolette, et Lustucru, un guanaco abkhaze aux humeurs peccantes, maigriot et décrépit tant il est mité par le stress, le pisco et le chichon depuis le désamour de son ex bienaimée, Salomé, une vigogne cachot(t)ière et un peu godichonne.
Pochard, un alpaca racho et zigzagant atteint de dysbasie, ainsi que deux faquins de ses amis camélidés, suivent à distance, tels des lacaunes, morigénant les chamelons traînards (traîneux). On reconnaît "petit Robert" un méhari sfaxien huron et faraud, et "Figaro", un fier chameau dubaïote un peu (s)chnoque (schnock) ; certes pas des lettreux, ni des zaraguinas, juste deux gouapes pourraves et (s)chlasses qui ne valent pas chipette, deux pasquins ribauds, dégue(u)s et alcoolos, des charlots qui ne pensent qu'à s'arsouiller, et toujours prêts à chansonner ou fomenter quelque fadaise entre deux verres de schnick ou de lambic(k)…
à suivre...